L'évolution en France

C'est un exercice délicat que de vouloir faire ressortir les colorations des précurseurs francophones européens et des courants qu'ils ont induits.

En même temps, comme c'est un non-sens de vouloir parler et définir la psychanalyse cela est tout aussi aberrant de vouloir définir LA Gestalt-thérapie de façon univoque. Pour deux raisons principales : tout d'abord, parce que dans sa construction la Gestalt-thérapie s'inspire de différents courants de pensées que les successeurs mettent plus ou moins en relief selon leur aspiration personnelle ; ensuite, parce qu'une notion innovante et centrale de cette psychothérapie, est de considérer le gestalt-thérapeute comme faisant partie du champ de l'expérience avec le client, qu'il est impliqué dans le processus.

Cette implication contrôlée s'appuie sur la personne du gestalt-thérapeute, son être-au-monde. Il est même considéré que le processus de changement advient à partir de cette relation thérapeutique singulière. D'où, à la SFG, l'attention particulière de l'Instance de Titularisation au "savoir-être-gestalt-thérapeute" des postulants à la titularisation.

Il en résulte des pratiques variées qui, tout en se référant à des principes théoriques issues du même fond, présentent des figures différentes, selon l'accent mis sur un fondement théorique ou/et une forme de pratique.

Noël K. Salathé

Noël K. Salathé

Formé au Centre Québécois de Gestalt (CQG, Montréal) par des didacticiens venant des Instituts de Cleveland, New York et Los Angeles et élève d'Isadore From, il devient l'un des premiers formateurs à la Gestalt en Europe francophone et fonde le Centre Interdisciplinaire de Formation à la Psychothérapie (CIFP) en 1985.

Il s'appuie beaucoup sur la philosophie existentielle, au point qu'il met au centre de son système les contraintes existentielles et qu'il intitule un de ses ouvrages parlant de la gestalt-thérapie, "Psychothérapie existentielle". En France, c'est un des premiers qui propose une nosographie gestaltiste de la psychopathologie.

Jean-Marie Delacroix

Formé en Gestalt-thérapie au Centre Québécois de Gestalt (CQG, Montréal), il participe en tant que formateur à l'introduction de la Gestalt-thérapie en France à la fin des années 70 avant de fonder en 1981, l'Institut de Gestalt de Grenoble (IGG) avec son épouse Agnès Pin-Delacroix. Jean-Marie Delacroix construit avec Jean-Marie Robine, un programme de formation pour Gestalt-thérapeutes dès 1982 avant de co-créer avec lui l'Institut Français de Gestalt-thérapie (IFGT) en 1985. En 2002, l'IGG redevient autonome quant à l'organisation de ses formations de Gestalt-thérapeutes avec création d'un nouvel organisme : le Grefor (Institut Gestalt-thérapie recherche formation).

Il s'est intéressé à l'utilisation de la Gestalt-thérapie pour les personnes psychotiques. Il s'intéresse aussi au lien entre psychothérapie et spiritualité ; depuis plusieurs années, il poursuit une initiation au chamanisme au Mexique et en Amazonie péruvienne.

Jean-Marie Delacroix
Serge Ginger

Serge Ginger

ormé aux États-unis dès 1970 (Esalen, San Francisco, Cleveland), il introduit des groupes de Gestalt à l'Institut de Formation et d'Etudes Psychosociologiques et Pédagogiques (IFFEP) en 1972 et fonde avec Anne Peyron-Ginger (son épouse) l'Ecole Parisienne de Gestalt (EPG) en 1981.

Il est considéré comme étant dans la continuité du courant "perlsien" (Côte Ouest, Esalen), mettant plus l'accent sur le concept du cycle du contact appelé aussi cycle de satisfaction des besoins. Il peut être situé dans la mouvance de la thérapie gestaltiste à court et moyen terme avec une place prépondérante donnée au travail de psychothérapie en groupe.

Jean-Marie Robine

Jean-Marie Robine

Après avoir fait connaissance avec la Gestalt-thérapie au début des années 70, Jean-Marie Robine se forme à Multiversité (Michel Katzeff - Bruxelles) vers la fin des années 70, lors du programme de formation francophone organisé en Europe avec la collaboration des formateurs de l'Institut de Gestalt de Cleveland. Il devient l'élève d'Isadore Fromm avant qu'il ne prenne sa retraite. En 1980, il fonde l'Institut de Gestalt de Bordeaux (IGB) après avoir organisé de nombreux stages de Gestalt dès les années 74/75 dans le cadre de l'Institut de Recherche Animation Expression (IRAE) qu'il a co-créé. Par la suite, en 1985, il co-crée avec Jean-Marie Delacroix, l'Institut Français de Gestalt-thérapie (IFGT) qui a pour vocation de rassembler d'autres instituts français de formation.

Il est considéré comme "goodmanien", partisan du retour aux sources du livre "princeps" de 1951 qu'il retraduit (2001). Il met l'accent principalement sur la "théorie du self" qui y est développée, la considérant comme le concept central de la Gestalt-thérapie que certaines figures notoires de la Gestalt ont délaissé (F. Perls en particulier). Il s'inscrit donc dans la lignée de la coté Est (New York), reconnaissant Isadore From comme son "formateur majeur".

Jean-Paul Piriou - Jacques Blaize

Co-fondateurs de l'Institut Nantais de Gestalt-thérapie (1981), qui initient à Nantes une des premières formations de Gestalt en France organisée par Janine Corbeil et le CCHA de Montréal avec la collaboration des formateurs de Cleveland. La formation suivante fut confiée à Jean- Marie Delacroix. L'institut commence par proposer des formations destinées à des professionnels de la santé, de l'éducation et du travail social avant de s'orienter vers la formation de gestalt-thérapeutes.

J. Blaize est considéré comme mettant l'accent sur la philosophie existentielle et la phénoménologie.

Gilles Delisle

Gilles Delisle

Fondateur en 1981 du Centre d'Intervention Gestaltiste (CIG) à Montréal, ses concepts commencent à essaimer en France à partir de 1989. Il a été formé par Susan Saros (Gestalt Counseling and Training Center) et E. & M. Polster. Tout en conservant les concepts de base de la Gestalt-thérapie, il cherche dans une perspective intégrative, à y associer des concepts de la psychanalyse des relations d'objets (Angleterre), aboutissant à une nouvelle approche qu'il nomme "Psychothérapie Gestaltiste des Relations d'Objet" (PGRO). Cette approche s'appuie sur une thèse : "Une révision de la théorie du self de Perls, Hefferline et Goodman et de ses prolongements cliniques" (Delisle, 1995). Il s'intéresse également à la compatibilité de son approche avec les théories du développement et les découvertes en neurologie. Il a conçu un diagnostic structural s'appuyant sur la théorie du self.

Il parle de psychothérapie du lien et met davantage l'accent sur la relation que sur le contact. Il s'inscrit dans une thérapie gestaltiste transformative plus à long terme qu'à court terme, en donnant beaucoup d'importance au dialogue herméneutique. Il a formé plusieurs gestalt-thérapeutes français qui à leur tour, transmettent cet enseignement dans certains instituts de Gestalt-thérapie. Par ailleurs, ses ouvrages publiés en France sont souvent cités par des auteurs français même en dehors des gestaltistes.

Ces différentes approches de la Gestalt-thérapie ainsi que celles de leurs successeurs sont le sujet de débats et de controverses que nous essayons de développer au sein de la SFG. C'est cette ouverture et cette liberté de parole qui permettent d'enrichir une approche gestaltiste de l'être en favorisant réflexion et créativité sur la Gestalt-thérapie.